"C'est une magnifique publication, doublement couronnée par l'Académie française et par l'Académie des inscriptions et belles-lettres, que Mgr Lotthé, vicaire général de Lille, vient de consacrer aux églises de la Flandre française. Son premier volume, qui étudie les églises de la région située au Nord de la Lys, date de 1940 ; il vient d'être réédité en 1943. [...] Il ne s'agit pas [...] d'une suite de monographies des différentes églises de la région, mais plutôt d'une histoire synthétique de l'art religieux flamand, des origines à la période la plus moderne. [...] L'auteur a cherché surtout à saisir et à expliquer "l'âme des églises" et si ses livres procurent un plaisir beaucoup plus profond que tant d'autres ouvrages d'histoire de l'art, c'est qu'à côté des explications d'ordre technique ou artistique, il a voulu -et su- montrer "l'aspect moral, je dirai même l'aspect mystique des choses." (Roger Limouzin-Lamothe, 1944)
Directeur du Grand Séminaire de Lille, secrétaire du cardinal Liénart, conservateur du musée diocésain de Lille, Ernest Lotthé (1886-1962) joua un rôle déterminant dans l'émergence d'un art sacré dans le Nord. Ses travaux historiques ambitieux démontrent par ailleurs que le rôle central joué par le clergé dans l'émergence de l'érudition locale s'est poursuivi bien au-delà du XIXe siècle. En 1942, cet ouvrage fut suivi d'un second volume, qui décrivait les églises de l'ancienne châtellenie de Lille. Dans le premier, Lotthé décrit le territoire de la Flandre linguistique française qui s'étend entre la mer du Nord, l'Aa à l'ouest, La Belgique à l'est et la Lys au sud. Derrière les disparités géographiques, l'auteur s'attache à restituer l'unité artistique de cet ensemble.
Cette vaste étude sur l'architecture religieuse flamande a demandé plusieurs années de travail à son auteur. Comme John Rewald avait recherché en Provence les sites peints par Cézanne à l'aide de son seul Leïca, Lotthé arpenta dès 1936 la Flandre muni de son appareil photographique : "A l'automne de 1936, muni d'un petit appareil de photographie (24 x 36 mm.), nous avons d'abord entrepris des courses en auto à travers la Flandre pour examiner, dans un esprit nouveau, les villes, les bourgs, les villages et les hameaux : toute la campagne au nord de la Lys. [...] Nous avons parcouru en tous sens les plaines et les collines. Paysages, canaux, fermes, maisons et chaumières nous sont devenus familiers. Cette Flandre que nous croyions connaître, nous apparut sous un jour que nous ne soupçonnions pas. [...] De ces visites nous avons rapporté des milliers de clichés photographiques, des centaines de schémas esquissés sur place [...]."